LPL, Aix-en-Provence
Racontez-nous votre parcours
Je suis chercheure au CNRS depuis 1999 au laboratoire Parole et Langage (LPL, Aix-en-Provence), unité mixte de recherche (associé à l’Université d’Aix-Marseille). Mes centres d’intérêt sont les interactions interindividuelles (humain-humain et plus récemment humain-machine) et la compréhension des mécanismes sous-jacents à la construction du sens par les participants, dans ses divers aspects verbaux, vocaux et mimo-gestuels. Ces questions sont actuellement au cœur d’une perspective plus large qui rassemble non seulement des chercheurs en informatique mais aussi des chercheurs en neurosciences qui, en collaboration avec les chercheurs en science du langage, ouvre la voie à une meilleure connaissance du langage, permettant de comprendre et de modéliser les mécanismes d’élaboration de la compréhension mutuelle. Je suis notamment membre de l’Institut Language, Communication & Brain (ILCB) et du Réseau CoBra (Conversational Brains) qui oeuvrent en ce sens. J’ai environ 80 publications et des participations actives à divers projets financés (ANR, CNRS, Carnot Cognition, etc).
Quelles sont les expertises de votre laboratoire ?
Le LPL regroupe des chercheurs issus de diverses disciplines et horizons : linguistes, phonéticiens, psycholinguistes, psychologues, informaticiens et neuroscientifiques. L’intérêt majeur du laboratoire porte sur le langage, oral ou écrit, et les mécanismes de production, de perception et de compréhension qui le sous-tendent.
Quelles opportunités offrent pour vous la recherche bilatérale ?
J’en vois au moins deux. La première est de valoriser les résultats obtenus en laboratoire et de favoriser le développement ou l’amélioration de technologies existantes (par exemple en intelligence artificielle) fondées sur ces résultats. Une autre opportunité est celle de pouvoir à l’inverse utiliser certains développements industriels pour imaginer de nouvelles expériences scientifiques, avec l’opportunité de tester de nouvelles hypothèses permettant de progresser sur le plan des connaissances fondamentales.
Quels sont les bénéfices pour vous de faire partie de l’institut Carnot Cognition ?
Le premier bénéfice est celui de faire connaître les résultats de nos recherches en laboratoire sur les différents aspects relatifs à la cognition qui peuvent ne pas être toujours très connus et surtout très bien relayés auprès du monde socio-économique. La cognition telle qu’elle est représentée dans l’institut Carnot traite du fonctionnement du cerveau et des capacités humaines à percevoir, agir, communiquer, comprendre, apprendre et interagir, ce qui représente des champs de recherche nombreux. Le LPL regroupe des spécialistes qui contribuent de manière très active à ces différents champs. Le second bénéfice est donc de rencontrer des industriels et de développer de nouveaux partenariats pour leur faire bénéficier des connaissances acquises en laboratoire et contribuer au développement de nouvelles technologies s’appuyant sur ces résultats. Les chercheurs peuvent par exemple guider les industriels sur l’état de l’art existant et leur faire gagner ainsi beaucoup de temps pour développer des services non seulement les plus performants mais aussi les plus adaptés à l’humain et à ses besoins. Le troisième bénéfice est plus généralement de contribuer à l’une des fonctions essentielles de la recherche qui est celle de la valorisation. L’Institut Carnot Cognition offre également des possibilités de financement qui permettent de développer des projets novateurs.
Le travail avec des sociétés privées nécessite enfin d’adopter un autre rythme de travail avec des objectifs plus applicatifs et à court-terme. Ceci demande une souplesse et une adaptabilité constante qui doit être associée à un niveau d’exigence égal à celui de la recherche fondamentale et s’articuler au mieux à la vision plus long terme propre à cette dernière.
Citez-nous une avancée majeure permise par la recherche bilatérale avec les entreprises
Différents projets de recherche bilatérale avec les entreprises ont été menés au LPL, notamment dans le domaine du handicap, de la santé ou de l’intelligence artificielle. Dans les années 2010 le système PCA (Plateforme de Communication Alternative) a été développée pour aider à la communication des personnes temporairement ou définitivement empêchées de communiquer (à l’oral ou à l’écrit). La société AEGYS était en charge de distribuer cet outil (pour plus de détails voir https://hal.science/hal-00142949/document). Sur le plan de la santé, la conception d’un dispositif d’évaluation clinique (EVA dispositif d’évaluation vocale assistée) résultant à la fois de l’expertise du LPL et des collaborations très étroites avec les cliniciens des hôpitaux de la région, a été réalisée. Deux sociétés, SOREMED et plus récemment SQLab, ont ensuite soutenu et valorisé la diffusion de ce dispositif d’évaluation dans le monde socio-économique. Ce partenariat très fructueux a été possible grâce à l’assise scientifique du LPL et sa renommée en termes de phonétique clinique est en grande partie liée à la diffusion de ce matériel. Par ailleurs, ceci a eu un impact très grand sur le développement de nouvelles collaborations avec les hôpitaux ainsi qu’un renforcement de cette activité au sein du laboratoire avec notamment le recrutement de nouveaux chercheurs sur ce thème. Pour plus de détails voir https://journals.openedition.org/tipa/5854 ou encore http://www2.lpl-aix.fr/~ghio/Doc/Bib-2007-OuvrageDysarthrieChapII25.pdf
Point fort
Avec quelles entreprises avez-vous pu travailler, sur quels projets ?
J’ai participé à différents projets au sein desquels étaient impliqués des entreprises.
Dans un projet ANR (OTIM http://www2.lpl-aix.fr/~otim/index.html) la société SEMANTIA (édition de logiciels applicatifs) dans un projet ANR OTIM dans lequel nous cherchions à comprendre et modéliser les processus de compréhension de l’interaction en prenant en compte l’ensemble des modalités de communication (développement d’une plateforme d’annotation multimodale, schéma d’encodage et outils de requêtage).
IMMERSION (prototypes virtuels) dans le cadre du projet ANR ACORFORMED. Développement d’un agent virtuel permettant aux médecins de s’entrainer à l’annonce d’une mauvaise nouvelle. Demande forte émanant de la Haute Autorité de la Santé (HAS). Dans ce projet, nous avons également travaillé en étroite collaboration avec l’Institut Paoli-Calmettes, avec une implication du personnel soignant qui participait à des séances d’entrainement et de formation.
Compagnie Next Level (Théâtre Forum) sur un projet du Programme de ressourcement (Carnot Cognition). Compagnie de théâtre qui cherche à former les individus à repérer et lutter contre les discriminations.
Début d’une collaboration avec Airudit. Travail autour de l’amélioration d’un assistant virtuel pour la prise en main d’un outil.
Travail dans le cadre de l’ANR SUMM-RE avec la société Linagora (développement de logiciels libres, open source et éthique)
Comment s’organise dans votre laboratoire un projet de recherche bilatérale ?
Cela peut s’organiser de manière très différente. La société/entreprise est partenaire d’un projet de recherche au même titre que les autres acteurs (différents laboratoires par exemple pour un projet ANR), soit l’entreprise est elle-même leader du projet, ou bien encore elle peut être engagée en tant que prestataire de services (Théâtre Forum)
Projet en collaboration avec Airudit : co-encadrement d’une thèse
Pour le reste des projets cités ci-dessus, il s’agissait aussi de partenaires similaires aux partenaires plus académiques.
Que diriez-vous à une entreprise pour la convaincre de recourir à la recherche via l’Institut Cognition ?
L’institut Cognition regroupe des laboratoires reconnus pour leur expertise ce qui en fait des partenaires très solides pour le développement d’un projet à différents niveaux d’expertise. Les entreprises peuvent bénéficier d’un apport considérable de la part des laboratoires en termes de connaissances générales sur le thème considéré (état de l’art, problématique et questionnements), en termes de conseils et de développement. Les laboratoires de l’Institut Cognition bénéficient de la meilleure réputation sur le plan national mais aussi à l’international (en témoignent leurs productions scientifiques dans les meilleures revues de leur domaine) et contribuent de manière très active à l’élaboration des connaissances sur le monde de la cognition. Ils sont fiables et engagés dans une recherche intègre, respectueuse et de haute qualité. Ils sont également très engagés dans la valorisation et le partenariat avec une entreprise ne peut que favoriser et améliorer le développement de cette partie absolument cruciale qui incombe désormais aux chercheurs.