Search
Search
Close this search box.

Questions à Nicolas Vayatis, Directeur du Centre Borelli, au sujet de la crise sanitaire du COVID-19

Le Centre Borelli est membre de l’Institut Cognition depuis février 2020.
L’Institut Cognition regroupe 22 Unités de Recherche publiques et a obtenu le label Carnot lors du 4ème Appel de l’ANR.
Les équipes de l’Institut Cognition sont mobilisées depuis la crise sanitaire du COVID-19 pour répondre de façon réactive et interdisciplinaire aux enjeux cognitifs d’une telle situation.

Pouvez-vous nous présenter le Centre Borelli ?

Nicolas Vayatis : Le Centre Borelli est un Laboratoire interdisciplinaire de recherche réunissant des chercheurs en mathématiques, en informatique et en neurosciences très investis dans le transfert de technologies numériques vers l’industrie ou le secteur biomédical. Il résulte de la fusion du Centre de Mathématiques et de Leurs Applications (CMLA – UMR 8536, créé en 1990) avec l’unité Cognition and Action Group (COGNAC G – UMR 8257, créé en 2015). Les tutelles du Centre Borelli sont l’ENS Paris-Saclay, le CNRS (INSMI, INSB et INS2I), l’Université de Paris (regroupement de Paris V et Paris VII), le Service de Santé des Armées et l’INSERM.

Les principaux axes de recherche du Centre Borelli, en interaction constante, sont les suivants :

I. La modélisation et la simulation de phénomènes physiques et biologiques complexes,
II. Les mathématiques et algorithmes pour l’apprentissage et la perception artificiels,
III. Les neurosciences comportementales chez la personne humaine et l’animal.

L’effort de recherche mené au Centre Borelli et l’expertise qui y est cultivée sont dans la continuité des activités du CMLA et de COGNAC G. Ils sont notamment caractérisés par une approche globalisante et pragmatique comprenant un socle théorique, une intimité avec la réalité des phénomènes étudiés (campagnes de mesures in situ, expertise transdisciplinaire) et une concrétisation des réalisations au travers des technologies numériques (codes numériques industriels, plateformes internet…).

Comment êtes-vous organisés depuis le début du confinement ?

N. V. : Nous avons décidé de fermer nos locaux le dimanche 15 mars. Notre cellule administrative disposait déjà d’une organisation apte au télétravail grâce notamment à un dispositif de fichiers partagés. Ainsi, il y a une continuité de service garantie, on ne voit pas trop de différence dans la gestion des affaires courantes. Un point délicat est la livraison de matériels informatiques qui est rapidement devenue impossible ce qui pose des difficultés à certains de nos collègues. Par ailleurs, pour nos chercheurs investis dans l’expérimentation en neurosciences comportementales, il y a une partie de leur activité qui est rendue impossible et ils assurent simplement des actions ponctuelles de ‘maintenance’ sur site. La vie du laboratoire est bien entendu très affectée mais il y a une certaine intensité d’échanges pour les chercheurs impliqués dans les questions de modélisation, simulation, traitement de données et prévisions statistiques. Ainsi, pour un certain nombre d’actions, nous avons mis en place des outils comme Trello, Slack, Google group. Par ailleurs, certains groupes de travail ont maintenu leurs sessions sous forme de webinaires avec des taux de participation particulièrement élevés.

Comment sont mobilisés vos chercheurs au sujet de cette crise du COVID-19 ?

 N.V.  : En comptant parmi nos membres des praticiens hospitaliers se trouvant aux avant-postes avant l’arrivée de la vague de patients avec des insuffisances respiratoires aigües, nous nous sommes particulièrement sensibilisés au sujet avant même que le Covid-19 via le confinement ou l’atteinte de connaissances ou de proches ne touche chacun d’entre nous de manière directe. Ils ont ainsi formulé certains besoins en termes de traitement de données, d’aide à la décision. N’étant pas experts du sujet, nous avons néanmoins lancé un appel aux volontaires le 15 mars auxquels ont répondu une trentaine de personnes. Différents groupes se sont formés et pour certains, ont montré dynamisme, motivation, et intensité à des niveaux très élevés. Parmi les thèmes qui ont été investis, on trouve : les modèles prédictifs macro basés sur la prévision statistique (échelle pays/région), la modélisation et la simulation des phénomènes épidémiques avec une évaluation des stratégies dynamiques d’allocations de ressources, le traitement de données en vue du monitoring en continu des patients dans les unités de soins intensifs, le suivi de la santé psychique en rapport avec le confinement…

Quels sont les différents travaux en cours concernant cette crise ?

 N.V.  : Les différents groupes ont formalisé les problématiques et lancé des projets associés : 

I. Modèles prédictifs macro de la date et de la hauteur du pic épidémique.
Le projet vise à estimer la courbe d’évolution du nombre de cas/admissions/décès à l’échelle de pays/régions. Plus particulièrement, il s’agit d’avoir une capacité d’anticipation sur la date et l’ampleur du pic épidémique. L’enjeu est d’anticiper la montée en charge pour les services de santé et plus globalement pour les actions des pouvoirs publics. Les modèles épidémiologiques proposés s’appuient sur les statistiques publiques et la difficulté principale rencontrée pour la France résulte du peu de tests de dépistage effectués.

II. Modélisation et simulation de phénomènes épidémiques, évaluation des stratégies de contrôle.
Le projet vise à l’élaboration d’un cadre de simulation pour l’évaluation des stratégies de contrôle (quarantaine, confinement, traitement) en s’appuyant sur des modèles de propagation du virus à des échelles meso (e.g. réseaux de contact à l’échelle des individus ou de groupes d’individus). Ces modèles permettront de tester des scénarios de manière stylisée en l’absence de données fiables permettant de rendre compte des mécanismes de contamination.

III. Outil d’aide à la décision en période d’attrition des personnels d’unités sanitaires ou sensibles en épidémie de COVID-19
Ce projet vise à la mise en place d’un outil d’aide à la décision pour les hôpitaux et autres unités sensibles soumis à l’attrition du personnel atteint par le COVID-19. L’objectif est de produire des rapports journaliers permettant à la fois de visualiser l’évolution de l’épidémie à l’échelle de l’unité, mais aussi de proposer des projections à quelques jours et enfin d’évaluer a priori les scénarios de redéploiement des personnels ou de réorganisation interne.

Quels sont les résultats déjà observés et quelles vont être leurs applications ?

  N. V. : Le projet portant sur la conception d’un outil d’aide à la décision pour la gestion des personnels et l’organisation des service d’un hôpital a pris corps en un temps record : un démonstrateur est d’ores et déjà déployé au sein d’un hôpital de la région parisienne et il fournit un état journalier de l’attrition des personnels soignants par service. Cliniciens, chercheurs en mathématiques appliquées et développeurs fournis par nos partenaires industriels ont réalisé un sprint et ont élaboré une première version de l’outil en moins d’une semaine. Ce projet va bénéficier d’un financement de l’AID pendant 18 mois, ce qui va permettre d’enrichir le démonstrateur, d’accompagner d’éventuels autres sites pilotes souhaitant s’approprier l’outil, développer des travaux de recherche dans le domaine de la modélisation et la simulation spatio-temporelle de la contagion sur un site. Tous les programmes informatiques afférents au projet seront mis à disposition gratuitement et en open source.

Un autre projet qui a également donné lieu à une réalisation en moins d’une semaine, est la réalisation d’un état de l’art scientifique des modèles épidémiques (compartimentaux, agents, etc.) proposés sur le Covid-19. Une grille de synthèse a été proposée et permet de confronter les modèles issus de différents articles dans un cadre commun. Cet état de l’art s’enrichit chaque jour au fil des nouvelles publications et peut être consulté en ligne sur les adresses suivantes :
https://github.com/MyrtoLimnios/covid19-biblio
http://covidreview.org/kibana

Publié le 28 05 2020

Autres articles

Convention scientifique 2024

L’Institut Carnot Cognition tient sa convention scientifique annuelle les 27 et 28 novembre 2024 au Centre de colloques du Campus Condorcet à Paris-Aubervilliers (Métro Front Populaire). Cet événement, réservé aux

Peau et vieillissement, l’apport des neurosciences à la cosmétique

Avec près de deux mètres carrés chez l’adulte, la peau est le plus grand organe du corps. La peau protège l’organisme des agressions physiques, microbiologiques et chimiques. Elle participe aussi

L’aéronautique, un secteur en pointe

Le secteur de l’industrie a été le premier à avoir compris l’intérêt que représentaient les connaissances scientifiques sur notre perception, notre attention, notre mémoire, ou encore nos décisions. Parce qu’elle