L’apport des sciences cognitives à une meilleure compréhension de l’apprentissage de la lecture
L’étude de la lecture a toujours occupé une place centrale dans le domaine de la psychologie cognitive. La psychologie expérimentale et l’imagerie cérébrale ont clarifié la manière dont le cerveau humain reconnaît l’écriture et se modifie au fil de cet apprentissage. La lecture est un talent cognitif qui consiste à traiter du langage écrit à travers l’identification de mots. La lecture, simple en apparence, mobilise de nombreux neurones dans des parties du cerveau éloignées les unes des autres. Plusieurs régions de notre cerveau doivent intervenir pour reconnaitre le sens de chaque mot, leur associer une forme sonore et construire progressivement le sens du texte. 3 grands ensembles de circuits cérébraux sont mis en jeu. Les réseaux de la reconnaissance visuelle invariante interviennent afin d’identifier la chaîne de caractères – ce sont ces circuits qui sont aujourd’hui les mieux connus sur le plan cérébral, et auxquels le modèle du recyclage neuronal s’applique le plus directement. Viennent ensuite la conversion des caractères écrits en une représentation phonologique et, en parallèle, l’accès au lexique et au sens des mots et des phrases.
Un lecteur moyen connaît 60 000 mots !
La lecture est un talent cognitif extraordinaire. Pour un lecteur habile, les phrases d’un texte sont comprises sans difficulté et de manière continue. Son regard saute d’un point à un autre des lignes, permettant ainsi la saisie des informations visuelles qui vont conduire à l’identification des mots. Ainsi, c’est le mot qui donne accès aux propriétés orthographiques, phonologiques, morphologiques, sémantiques et syntaxiques. De ce fait, l’identification des mots est une étape majeure des processus impliqués dans le traitement du langage écrit. Un lecteur moyen digère environ 150 à 200 mots par minute, ce qui correspond à peu près à la vitesse de production de la parole. Sachant qu’un lecteur moyen connaît environ 60 000 mots, identifier et récupérer les mots correspondant à la phrase lue se résume à consulter le Petit Larousse deux ou trois fois par seconde !
Une meilleure connaissance du processus d’apprentissage de la lecture
La lecture est la colonne vertébrale de tous les apprentissages. L’aisance de ce processus chez le lecteur expert – qui peut lire environ deux cents mots par minute sans aucun effort – nous fait oublier la complexité de la machinerie qui se cache derrière l’une des plus belles inventions de l’humanité. Depuis sa création comme discipline scientifique, la psychologie s’est toujours intéressée à l’étude de la lecture, ses automatismes, son apprentissage. Nous connaissons aujourd’hui ses composantes et ses rouages tel un mécanicien connaît les pièces et voies de transmission qui font tourner les moteurs. Au-delà des clivages maintenant dépassés, il existe aujourd’hui une véritable science de la lecture, dont les avancées permettent de proposer aux élèves un enseignement de qualité. Les recherches en cognition visent à mieux comprendre à la fois pourquoi certains enfants rencontrent des difficultés pour apprendre à lire, mais aussi comment mieux les accompagner dans ce processus parfois long et périlleux.
La rééducation cognitive pour contrer la dyslexie
Entre 5 à 10 % d’enfants rencontrent des difficultés importantes au cours de l’apprentissage de la lecture. On parle de dyslexie du développement lorsque ces difficultés surviennent en l’absence de toute autre difficulté sensorielle ou cognitive (en particulier, sans déficit de l’intelligence). Ce pourcentage peut atteindre 30 % si on prend en compte les enfants qui rencontrent des difficultés pour d’autres raisons (milieu socio-économique défavorisé, troubles du langage oral, troubles d’apprentissage non spécifique, déficits attentionnels). Grâce aux études longitudinales qui s’intéressent à la progression d’une multitude d’enfants depuis l’école maternelle jusqu’au collège, nous connaissons aujourd’hui les facteurs capables de prédire avec une certaine probabilité si oui ou non un enfant est « à risque » de rencontrer des difficultés de lecture ultérieurement. Hormis les facteurs génétiques (les troubles d’apprentissage sont fortement héréditaires) se trouvent en première position les capacités phonologiques d’un enfant suivies par ses capacités visuo-attentionnelles. Détecter les enfants à risque le plus tôt possible et proposer des entraînements scientifiquement validés constituent deux démarches qui présentent non seulement un enjeu capital pour éviter le décrochage des enfants en difficulté, mais aussi un défi majeur pour les scientifiques. Des études portant sur des enfants dyslexiques ont établi que la rééducation cognitive améliorait non seulement les capacités de lecture, mais modifiait également l’activité cérébrale de régions critiques du cerveau.
Le Laboratoire de Sciences Cognitives et de Psycholinguistique d’Aix-Marseille est particulièrement mobilisé sur le sujet ainsi